__________ CARBON SHELTER ; 2019
Sculpture lauréate de l’appel à projet «Art et Biodiversité» pour le département Indre et Loire.
Épicéa, béton, acier, verre, laine de roche, verre, saturateur noir mat, peinture laquée noire matte. 820 x 230 x 70 cm.
Loire Valley department artist Call award sculpture.
Spruce, concrete, steal, rock wool, glass, matte black saturator, matte paint. 324 x 91 x 28 inches.
CARON SHELTER est la sculpture lauréate de l’appel à projet «Art et Bio diversité» lancée par le Département de Touraine. L’appel consistait à la commande d’une œuvre d’art pérenne en espace publique pouvant abriter certaines espèces animales protégées, notamment des colonies de Chiroptères, de martinets noirs, d’hirondelle rustiques et d’ hirondelles de fenêtre.
À dimension tant artistique que naturaliste, ma proposition Carbon Shelter prend la forme d’une sculpture monumentale de 8m20 situé dans l’ENS du Val de la Choisille en Indre et Loire. Cette sculpture est le fruit de la collaboration avec des chiroptérologues , naturalistes, ornithologues, ingénieurs et artisants. À la frontière de la botanique, de l’architecture, du design, du champs de l’art contemporain et des Arts appliqués, le monolithe noir mat manifeste une radicalité plastique sobre et imposante ainsi q’une ingénierie naturaliste pour la préservation d’une biodiversité donné. L’emploi des matériaux, les dimensions, la couleur, l’emplacement, l’orientation ont été déterminés par les nombreuses expertises effectués auprès des spécialistes concernés.
Enfin, la proposition plastique pose un équilibre avec l’ environnement en s’ appuyant sur ses caractéristiques spécifiques et porte sa singularité spectaculaire et remarquable en qualité, avant tout d’œuvre d’art.
I. Objectif :
Un projet de sensibilisation environnementale et culturelle
Le Département de l’Indre et Loire souhaite faire réaliser une ou plusieurs œuvres d’art monumentales capables d’accueillir soit des Chiroptères, soit des Hirondelles ou Martinet. L’objectif est d’interpeller les habitants et les promeneurs sur la biodiversité et son avenir.
L’enjeu est d’autant plus crucial que selon la troisième édition des Perspectives mon- diales de la biodiversité, publiée le 10 mai 2017 par les Nations unies, aucun des objectifs fixés en 2002 pour en réduire le déclin n’a été atteint. « Les écosystèmes sur lesquels reposent l’économie, l’agriculture, la vie sont menacés d’une rapide dégradation, voire de disparition, si aucune action radicale n’est engagée pour les préserver », écrivent les auteurs du rapport.
L’art a parfois cet avantage d’interpeller plus la conscience écologique que des positions expertes complexes parfois divergentes :
« L’intérêt pour l’écologie et le développement durable traverse le champ de l’art et les concepts d’environnement, de site et de territoire ont acquis une visibilité sans précédent. Dans quelle mesure les modes opératoires des artistes contribuent-ils à la modification de notre regard sur la notion de milieu naturel ? Quel impact ont-ils sur la sensibilisation du public à leur protection ? Quelles attitudes développent-ils face à ce nouveau défi lancé par les scientifiques au titre de l’intérêt supérieur de l’humanité? Qu’on les considère porte-paroles, médiateurs, défenseurs d’une cause, nouveaux gestionnaires de crise, les artistes impliqués dans ce champ nous signifient que les ressources naturelles sont désormais affectées d’une valeur de patrimoine univer- sel, entre enregistrement de périls et mémoire d’un futur incertain. »
« Ils-elles nous montrent à quel point le respect actif de la biodiversité innerve des démarches actuelles de l’art demeurant confidentielles alors même qu’il est l’affaire de tous. »
Foiret Agnès. Art et biodiversité : un art durable ?. [plastik] [en ligne], • NUMÉRO #04 Art et biodiversité : un art durable ?, 15 février 2014.
La collectivité fait donc le choix de contribuer à l’enrichissement de la qualité de vie des populations locales, à valoriser son patrimoine d’Espaces Naturels Sensibles (ENS) à travers la sensibilisation à l’environnement par l’art. Par cette opération, la collectivité vise également à permettre à des artistes de réaliser des projets d’une ampleur inhabituelle, faisant sortir l’œuvre de ses lieux traditionnels de présentation, la rendant vivante et habitée par des animaux et insérée au sein d’un espace naturel.
Extrait de l’appel à projet du Département d’Indre et Loire
Carbon Shelter relève à la fois d’un impératif écologique (sauvegarde d’un écosystème) et de considérations esthétiques. Il se dresse au cœur du Val Choisille tel une tache aveugle, un obstacle sur lequel vient buter l’œil. Sombre, insondable monolithe évoquant l’aube de l’humanité (Stonehenge, 2001 l’Odysée de l’espace de Stanley Kubrick), il est comme un jalon rappelant notre empreinte à travers les ages. Notre empreinte sur la nature.
On dirait un énorme bloc de charbon (le fusain si cher à l’artiste), l’allégorie d’un temps inéluctable menant de la première flamme aux cheminées noires de suie, aux micro-processeurs de nos ordinateurs. Noir comme l’avenir de la planète ? Ou comme la nuit des origines ? Le feu semble s’être éteint sans nous apporter de lumière. Est-ce donc dans l’obscurité à travers laquelle nous ne savons plus voir, ou derrière l’horizon des événements qu’il faut chercher un abri ? C’est que l’obstacle se veut aussi refuge. A le regarder de plus près, l’édifice – qu’on dirait d’un seul bloc - est en réalité constitué d’une maille plus élémentaire qui paraît s’assembler sous nos yeux, sous l’effet de la vie qui s’en empare, qui l’anime, qui y aspire, qui résiste dans l’ombre, et ce que l’on prenait pour départ ou fin semble davantage une étape.
Ce mur qui nous isolait de notre propre temporalité se meut en espace, en carrefour, en présent. Un présent au sein duquel la vie se renouvelle, et se rénove.
Texte de Thomas Lejeune