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Chapô

François Xavier Chanioux est né en 1982 à Tours. Il vit et travaille entre Paris et Saint-Pierre-des-Corps. Son travail est axé autour de la pratique du dessin bien qu’il emploie également la photographie, la sculpture et l’installation pour accentuer ses effets de points de vue. Ses œuvres cherchent constamment à remettre en cause la notion d’objet fini et proposent au regardeur une expérience visuelle. À la manière d’œuvres process, elles présentent davantage l’œuvre en train de se faire que l’objet qui en résulte.

Enfance et formations

François Xavier Chanioux a d’abord étudié l’Histoire de l’Art à la Faculté François Rabelais de Tours, avant d’intégrer la classe préparatoire aux écoles d’art de Châteauroux, puis d’obtenir un diplôme des métiers du cinéma à Angoulême en 2006. Il a ensuite intégré l’École des Gobelins de Paris dont il est sorti diplômé l’année suivante. Son film d’animation Oktapodi réalisé en collaboration avec trois autres étudiants a rencontré un vif succès avec de nombreux prix dans la catégorie court-métrage, dont une nomination aux Oscars de Los Angeles. En 2013, il a obtenu son DNSEP à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne. Son parcours aussi atypique qu’étoffé a forgé son regard de plasticien et lui a permis de développer précisément de nombreuses techniques comme le dessin, la sculpture, la vidéo et la photographie. De son expérience cinématographique, il conserve un goût pour la création de scénario que l’on retrouve dans ses dessins et dans ses sculptures.

Expositions

François Xavier Chanioux a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives parmi lesquelles : Opérations Booléennes qui s’est tenue au Château de Tours en 2021, Mit Der Zeit en 2018 aux Octrois de Tours et Carbon Road, la même année à la Chapelle Saint-Anne de La Riche. Plusieurs de ses œuvres sont conservées dans des collections privées et publiques comme celles de l’Écomusée du Véron, du Département d’Indre et Loire ou encore de la ville de Saint Avertin. En 2018, il a obtenu le Prix Jean Asselbergs de la fondation Taylor, puis un an plus tard, son projet Carbon Shelter a été sélectionné dans le cadre de l’appel à projet “Art et Biodiversité” lancé par le département d’Indre et Loire. François Xavier Chanioux s’implique régulièrement dans des projets de résidence comme en 2014, à l’Annexe de Tours, puis en 2020 à la Cité Internationale des Arts de Paris et en 2022 au Centre Culturel Tjibaou en Nouvelle Calédonie et à la fondation Suzanne Bastien du Vanuatu. Cette résidence D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? soutenue par l’Institut Français, l’Alliance Française, la Région Centre Val-de-Loire, le Ministère de la Culture et le Ministère des Outre-mer à donné lieu à l'exposition « Ce qui brûle doucement » présentée au Centre culturel Tjibaou de Nouméa en 2023. Une restitution sera également visible en avril 2024 lors d’une nouvelle résidence au Centre d’art le Garage à Amboise.

Réalisateur de formation, François Xavier Chanioux évolue constamment entre pratique de la sculpture et de la photographie, pourtant, dans son processus créatif, tout passe par le dessin. Ces derniers sont toujours noirs, réalisés par le biais de la technique des “trois crayons”, fusain, pierre noire et rehauts de blanc. Il s’agit le plus souvent de grands formats qui impressionnent le regardeur

par ses contrastes et l’hyperréalisme de ses formes mouvantes. Quant aux œuvres en volume, sculptures ou installations, elles sont toujours pensées In-situ, résultants de multiples dessins préparatoires qui élargissent la question de points de vue à la fois conceptuels et tridimensionnels. Dans son processus de création, François Xavier Chanioux s’entoure régulièrement de professionnels compétant dans leur domaine : ingénieurs, naturalistes, écrivains, médecins, chefs de cuisine, etc. Cette rencontre entre technicité et expérimentation de la matière par l’artiste traduit une œuvre chargée en références et toujours ancrée dans une réalité concrète.

Début de sa pratique

Deux périodes se détachent dans l’œuvre de François Xavier Chanioux. La première, antérieure à 2020, révèle son intérêt pour la scénarisation, dont le goût lui vient de ses études de cinéma. Pour illustrer ce propos, nous présenterons l’œuvre Carbon Road, réalisée en 2018 pour l’exposition éponyme à la Chapelle Sainte-Anne de Tours. Cette installation se compose de plusieurs dessins qui, répartis en plusieurs salles, proposent un récit à la manière d’une pellicule de film. Les dessins sont composés de scènes, qui emprunte les codes du film noir. Usant de clairs obscurs et de Close-up, des cadrages serrés, il se dégage de ces images une sensation de suspens. Dans cette série, l’emploi régulier du flou apparente ses images à des captures d’écran extraites d’une vidéo. Le regardeur comprend qu’une action est en train de se dérouler et que la clé de compréhension de la scène se situe dans le sens de lecture des images. Dès lors, François Xavier Chanioux invite la notion de mouvement au sein de son travail, comme un jeu de regard issu de l’interaction entre le déplacement du spectateur dans l’espace et le sujet insaisissable qui fuit d’une image à l’autre.

En effet, le mouvement est omniprésent dans l’Œuvre de François Xavier Chanioux et se retrouve autant dans ses dessins aux formes vibrantes, que dans son rapport à la sculpture. En témoigne son œuvre Fata Morgana. Cette sculpture constituée d’une chaise réalisée en résine noire, présente à la fois l’objet fini et sa forme mouvante dans une logique de miroir. En effet, cette chaise n’en a que l’apparence, elle est dépourvue de sa fonction par la forme molle qui l’accompagne. Cette forme à la fois liquide et figée, pourrait-être autant : la représentation du reflet de l’objet dans l’eau, la matérialisation de la sensation de l’objet balayé rapidement par notre œil puis reconstitué par notre cerveau, ou encore, la revendication des propriétés à la fois solides et liquides de la résine. Ici, c’est bien la matérialité de l’objet qui est remise en cause par l’artiste, qui s’amuse à déconstruire les rapports établis entre réalité, sensation et imaginaire.

Cette notion autour de l’œuvre en train de se faire, François Xavier Chanioux l’expérimente également avec des œuvres à protocole dont Serendipity, exposée en 2018 dans le cadre de la Nuit Européenne des musées. Dans une pièce plongée dans le noir - avec pour seul éclairage, les lampes rouges d’un laboratoire de développement photo - le spectateur se trouve face à une installation constituée de vitrines dans lesquelles des papiers solarisés livrent progressivement leurs contenus au contact de la fonte d’un glaçon de révélateur. Avec cette œuvre, la notion de hasard intervient dans le travail de l’artiste puisque le déplacement du glaçon et du liquide sur la feuille ne sont pas maitrisables. Ainsi chaque image ne pouvait, ni se révéler intégralement, ni tracer le même motif sur la feuille. Une fois le glaçon intégralement fondu, la feuille était remplacée et un nouveau bloc de révélateur était positionné dessus, ne permettant jamais au visiteur d’avoir une vision claire du contenu de l’image, d’autant plus qu’à la fin du processus de révélation, aucune image n’était fixée par l’artiste. Une fois sortie du laboratoire, celle-ci disparaissait au contact de la lumière, amplifiant la frustration du visiteur. Ce qui fait œuvre ici, c’est la relation de temps qui s’installe entre le regardeur et la

photographie en train d’apparaitre et qui impose d’elle-même son sens de lecture selon les déplacements du liquide. Cette œuvre révèle une fois encore le désir de l’artiste de présenter le processus créatif, plus que l’objet fini.

Ces mêmes notions sont questionnées par l’artiste dans l’œuvre Tamouré. Dans celle-ci, du pigment est disposé sur une feuille de papier canson et un système de Subwoofers - haut-parleurs reproduisant les fréquences basses afin de produire une vibration - est installé dans le socle. Le dispositif reproduit les sons captés pendant la réalisation du dessin original, nommé Achille, produit par l’artiste la même année. Ainsi à travers ce scénario mécanique, la matière se déplace sur la surface du papier et se regroupe formant des traces noires plus ou moins grasses. Puis, un son se déclenche et tout disparait pour revenir à la version 0 du dessin.

En 2019, François Xavier Chanioux réalise le projet Carbon Shelter. Sélectionné dans le cadre de l’appel à projet Art et Biodiversité lancé par le Département d’Indre et Loire, cette sculpture monumentale de 8,20 mètres de haut révèle son engagement pour défendre la cause écologique et notamment celle de la préservation de la faune. Ce monolithe noir, en référence à la passion qu’il entretien avec le dessin au fusain, est constitué de multiples nichoirs qui prennent en compte la diversité des besoins ornithologiques du lieu. Là encore, l’artiste opère chez nous un changement de point de vue. Car l’appropriation de la sculpture par les oiseaux en fait une œuvre évolutive et suggère la capacité de l’art à avoir un impact bénéfique sur le monde et donc un rôle certain à jouer dans la société.

L’année 2020 marque le début d’un nouvel engagement dans la pratique de François Xavier Chanioux. À cette période, il développe un projet d’exposition internationale intitulé Opérations Booléennes, il est soutenu dans ce projet par la galerie Exuo et le Château de Tours où l’exposition sera montrée pour la première fois entre 2021 et 2022. À travers les œuvres de cette exposition, il intègre à ses préceptes de base, les notions de mondialisation, de migration et de phagocytage culturel, technique de propagande insidieuse visant à diviser un peuple pour en prendre la direction. Il entame alors une série de recherches autours des cultures du Pacifique, dont une partie de sa propre famille est issue. Il effectue un voyage de deux mois en Nouvelle Calédonie, pendant lesquels il explore une partie des îles de l’archipel et part à la rencontre des chefs de tribus. De ce voyage l’artiste réalise une série d’œuvres hybrides à la croisée entre objets issus de la culture occidentale et éléments issus de l’étude ethnographique, botanique, faunistique et géologique de Nouvelle Calédonie.

De nombreuses œuvres de cette exposition sont liées par une unité chromatique qui fait référence aux ciels de Nouvelle Calédonie, le bleu outre-mer. Il intègre également à ses œuvres la notion d’ubiquité, la capacité d’être en plusieurs lieux en même temps, dans un aller-retour permanent entre macrocosme et microcosme. Ainsi la démarche artistique initiale de l’artiste, qui vise à révéler différents points de vue d’un même sujet simultanément prend une dimension particulièrement géopolitique. Notamment à travers l’œuvre : It’s all a matter of perspective - 02/07/1966 - H = 0,00 / H = 0,00404 / H = 0,00476 / H = 0, 019 / H = 0,0510. Cette installation présente cinq maquettes représentant des lieux choisis selon l’héritage culturel de l’artiste : Moruroa, Tahiti, Raiatea, la Nouvelle Calédonie et le Massif du Mont Blanc. Sur un fond uni bleu outre-mer, de la peinture blanche a été projetée à l’aérosol pour symboliser, selon la vitesse de la lumière - le flash lumineux produit par le premier essai nucléaire qui a été réalisé à Moruroa le 2 juillet 1966 à la suite de 17 autres effectués en Algérie. Cette œuvre révèle la manière dont un même lieu, peut représenter, selon celui qui

l’envisage, une destination idyllique pour les vacances ou un terrain neutre, sur lequel il soit possible de s’adonner aux expérimentations les plus morbides.

À l’ar[T]senal, François Xavier Chanioux présente les dessins The Blaze #1 et #2 réalisés en 2020 ainsi que la sculpture Blast réalisée en 2013.

Ces deux dessins représentent des paysages urbains en proie à la violence. On y perçoit des véhicules en feu : un semi-remorque et un camion-citerne. Comme habituellement dans la pratique de François Xavier Chanioux, le mouvement habite le dessin. À la fois hyperréalistes et pourtant réalisés en aplats noirs avec de rares rehauts de blanc, ces deux œuvrent nous font valser entre la fiction et la réalité. Est-ce des images réelles issues de l’actualité ? Ou l’image d’un scénario mental sensible et fictif tout droit sorti de mon imagination ? Ici, François Xavier Chanioux nous met face à des images familières, que nous aurions pu consulter dans l’actualité, peu importe le support : presse écrite, journaux télévisés, fil d’actualité des réseaux-sociaux, etc. Mais, l’emploi du grand format 170 x 122 cm, l’usage du noir et blanc et de la technique utilisée provoque un certain décalage. L’image fixe, l'arrêt sur image forcé questionne. La technique employée par l’artiste est celle des trois crayons, fusain, pierre noire et rehaut de blanc. Cette technique prédominante dans la pratique de l’artiste est empruntée au dessin académique de la Renaissance. Elle intéresse particulièrement François Xavier Chanioux qui l’utilise pour représenter des images contemporaines et les ancrer dans une histoire de l’art. Là aussi, un lien s’opère, comme souvent dans sa pratique, nous l’avons vu plus haut, entre le sujet traité et la matière qui compose l’œuvre en train de se faire. Ici le brasier représenté renvoi au fusain (morceau de bois carbonisé) employé pour produire le motif. À travers cette technique, l’artiste propose d’ancrer la réalité violente et crue des émeutes contemporaines dans notre patrimoine. Comme si, inexorablement, nous ne pouvions y échapper et que cela faisait intrinsèquement partie de notre passé, mais aussi de notre présent et de notre futur.

La sculpture Blast, que l’on peut traduire par “souffle” (exposée à Art Paris au Grand palais et à la Design Art Fair de Londres ) est inspirée des ombres d’Hiroshima, traces aux murs ou au sol résultant du souffle de l’explosion de la bombe atomique lancée le 6 août 1945. Une image d’archive bien connue et qui documente ce phénomène a été le moteur de la création de cette pièce. À l’origine, la photographie représente un homme avec une échelle à ses côtés. Elle témoigne de la réalité d’un instant, où soufflé par ce phénomène nucléaire, la matière organique du sujet se disloque. L’enjeu de cette œuvre aura été pour François-Xavier Chanioux de reproduire à taille réelle, l’échelle présente sur l’image, dans un mouvement imaginaire causé par le souffle de la bombe. Au-delà du ready-made, ou de l’objet détourné, la vocation de cette sculpture, outre son esthétique, est bien de montrer à quel point un objet compte plus pour ce qu’il connote à son regardeur que pour sa fonction. On peut donc envisager par cette œuvre, la vocation d’un art qui au-delà du beau, cherche à manifester à son regardeur la sensation de scènes historiques ou contemporaines, pour transmettre aux générations futures l’histoire d’un pays, d’une civilisation ou d’un individu.

Dans le cadre de l’exposition Manifestations Artistiques, les deux dessins The Blaze présentés dans l’aile gauche sont mis en regard de la vidéo Ausfegen de Joseph Beuys et des ouvriers de Florent Lamouroux. Un récit se crée entre ces trois œuvres, autour de la puissance et de l’ardeur des regroupements humains mais également du potentiel destructif de celui-ci. La sculpture Blast quant à elle clôture l’exposition dans l’aile droite et nous invite, par la forme symbolique de l’échelle, à envisager la sortie de crise, par une élévation métaphorique. Cette œuvre, comme celles situées dans la même pièce, invite la notion de résilience pour clôturer l’exposition.